Article publié le 27 octobre 2020 par Full-Time Cinéma.
Synopsis : Buster Moon est un élégant koala qui dirige un grand théâtre, jadis illustre, mais aujourd’hui tombé en désuétude. Buster est un éternel optimiste, un peu bougon, qui aime son précieux théâtre au-delà de tout et serait prêt à tout pour le sauver. C’est alors qu’il trouve une chance en or pour redorer son blason tout en évitant la destruction de ses rêves et de toutes ses ambitions: une compétition mondiale de chant. Cinq candidats sont retenus pour ce défi: Une souris aussi séduisante que malhonnête, une jeune éléphante timide dévorée par le trac, une truie mère de famille débordée par ses 25 marcassins, un jeune gorille délinquant qui ne cherche qu’à échapper à sa famille, et une porc épic punk qui peine à se débarrasser de son petit ami à l’égo surdimensionné pour faire une carrière solo. Tout ce petit monde va venir chercher sur la scène de Buster l’opportunité qui pourra changer leur vie à jamais.
La recette miracle d’un film ne tient souvent qu’à de nombreux petits détails qui peuvent avoir leur importance. A un souffle près, un plan, une appréciation, on peut fréquemment, voire très fréquemment, passer à côté d’un phénomène, auréolé par cette satisfaction personnelle d’y avoir été. Cette recette donne souvent le ton à nos différentes habitudes après avoir quitté notre salle de cinoche chérie. On retourne à la voiture, les pensées bifurquent à droite, à gauche. Oubliant même (mais pas trop surtout) qu’on tient par la main, nos enfants, spectateurs eux aussi, et « débriefeurs » en chef plus intransigeants et coriaces que n’importe qui, dans cet univers-là. « On refait le match » comme diraient les spécialistes sportifs de comptoir, l’air souvent absent, à tenter de bien vouloir se faire une idée qualitative et objective. Ce petit préambule pour dessiner un semblant de suspense que je pourrais tenter de tenir à bout de bras sur l’extrême qualité accouplée à cette toute évidente simplicité sur ce que je viens de vivre, sur ce que je viens de visionner. Je n’arrive pas à le garder plus longtemps pour moi, ce satané suspense. Alors voilà : Messieurs, Dames, jeunes, moins jeunes… Si vous souhaitez passer un agréable moment, allez voir Tous en Scène. Venez comme vous êtes, ne soyez surtout pas timides. Pensez à rapporter un paquet de mouchoirs si vous avez cette fâcheuse tendance à laisser transpirer vos émotions. On va vous expliquer pourquoi, et ce, de la manière la plus objective possible au monde, puissance dix.
Après Zootopie et Comme des bêtes, voilà que les animaux remettent le couvert pour notre plus grand plaisir. Evidemment, pas de très grandes nouveautés dans ce paysage version « 30 Millions d’Amis » où on retrouve un large panel de personnages divers et variés à poils, à plumes, à écailles, etc… Pas de discrimination animalière, tout le monde peut chanter, tout le monde peut participer à ce concours de chant qui se place confortablement dans ce postulat de départ. Le spectateur, familièrement, se sent comme chez lui, devant sa télé le samedi, où il aime se retrouver avec ses proches pour supporter son idole du soir. Une juxtaposition se crée entre ce dessin animé et le monde du télé-crochet qu’on a, tous et toutes, suivis à un moment de notre vie dans notre petite lucarne à domicile. Et cela porte ses fruits ici. L’addition « concours de chant + animaux attendrissants » est évidente. Le théorème marche et matche fort. Alors, on ne met pas longtemps à pousser la chansonnette, à battre la mesure discrètement dans son fauteuil, à se surprendre en train de sourire, et surtout à adorer cette joyeuse troupe aux caractères et aux étiquettes qu’on semble bien vouloir leur coller, si différents. Pourtant, ils sont tout, sauf différents. Ils ont le même objectif : celui de se surpasser en tentant de faire changer ce destin s’offrant à eux. C’est d’une simplicité abasourdissante à en friser la logique cartésienne. Mais ça plaît, c’est bien largement plus que plaisant, et c’est tout bonnement l’essentiel.
La nostalgie du temps et de ces émissions qui nous ont vu grandir, prend aussi ici tout son sens, faisant refléter une admirable réalité, une admirable empathie pour ces gentils personnages terriblement funs, terriblement actuels. Qu’on se le dise, la ménagère prendra part sans rougir à aimer ce dessin animé. Et vous ne mettrez sûrement pas longtemps à réécouter ces chansons qui touchent le plus large public possible. Ne vous étonnez donc pas à fouiller sur le net ou dans vos cartons (pour les plus gros puristes adeptes du « palpable ») dans le but de trouver LA chanson que vous avez affectionné quand vous sautiez sur votre lit après l’école, ou bien encore LA chanson sur laquelle vous avez connu votre premier baiser ! Car c’est là, que toute l’équipe scénaristique du film voit clair et juste en touchant un maximum de personnes dans ce film. Tous les styles musicaux sont représentés, et c’est ce qui fait la beauté aussi de certaines émissions qu’on a su et appris à affectionner et qui sont soulignées ici sous la forme de multiples clins d’oeil. C’est beau, c’est esthétiquement maîtrisé, et on ne tombe presque jamais dans un éventuel faux-pas, un éventuel cliché, un éventuel déjà-vu, capable de faire sombrer un film d’animation comme celui-là. Kamel Ouali aurait même pu, lui-même, imaginer certains de ces tableaux graphiquement orchestrés (ne vous méprenez surtout pas chers enfants de la Star Academy, il s’agit bien ici d’un compliment).
Que dire des doublures? Tiens, parlons-en justement. C’est Patrick Bruel, notre « Patriiiick national » qui prête sa voix au gentil koala, Buster Moon, prêt à tout pour défendre son théâtre au bord d’une faillite annoncée. Belle prestation de velours donnant, là encore, un sens tout particulier à ce dessin animé parfaitement brossé pour être vu et revu. Il nous offre au passage toute sa respectueuse légitimité en nous glissant de la manière la plus subtile, toute sa polyvalence faisant de lui un mec définitivement pro jusqu’au bout des ongles. C’est le beau et talentueux Matthew McConaughey qui fait la voix originale de Moon aux Etats-Unis. A signaler que Scarlett Johansson, s’étant déjà essayée au monde de la musique, double Ash, la jeune porc-épic rebelle (Elodie Martelet, de The Voice est la doublure française), Reese Witherspoon, la blonde pétillante et tonitruante, prête sa voix à Rosita la « Desperate Housewives » sous les traits d’une truie (Jenifer fait la VF). Les doublures sont originales, et bougrement convaincantes quand il est question de se crédibiliser dans les multiples phases musicales du film, offrant un cachet fou à cette heure cinquante de prestation. Vous ne serez donc pas surpris d’avoir la banane et la pêche tout au long de ce film provoquant parfois des montées obligatoires de larmichettes pour les plus costauds et téméraires d’entre vous, et des flots presque continuels de vérités lacrymales, signe qu’un film d’animation comme celui-ci, transperce et émeut le jury dont nous faisons partie.
Conclusion :
Tous en Scène a fait son nid depuis plusieurs mois maintenant. Les préparatifs ont été vecteurs d’une belle promesse. Il a enfilé ses habits de lumière pour nous envoyer au visage un spectacle réellement attractif. C’est chantant, et on le chante encore après l’avoir vu. Que demande le peuple ? Que demande le public ? Sans doute unanimement, les briquets à la main, il redemande un rappel, car il nous transcende comme le font nos héros dans ce film d’animation bourré d’ondes positives à en chialer des litres tellement on s’y sent bien.
NOTE : 5/5 ★★★★★
Julien Chabrier